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vendredi 9 mars 2018

Le temps à la méthode Graff

Laurent Graff.

Au Dilettante.
Un nouveau livre de Laurent Graff est toujours une nouvelle réjouissante. Que nous réserve cette fois l'auteur qui présente son dos sur le site de son éditeur? Un roman aussi formidable que curieux, facétieux et empli de sagesse, qui se lit à petits pas pour mieux le savourer, mieux le laisser infuser. J'ai nommé "La méthode Sisik" (Le Dilettante, 160 pages), dont la couverture s'orne de cadrans solaires couleur soleil. De quoi y est-il question? Du temps. Non celui de la météo, mais celui qui passe, ne se rattrape jamais disent certains, mais se plie à la méthode Graff.

En trois segments, "Lucile", "Grégoire Sisk" et "Céline", cet excellent roman nous emmène dans le futur. Pas avec les ingrédients habituels de la science-fiction, non, un futur au paysage pas si éloigné de notre présent. Le temps y est comme endormi, ralenti. On peut y être accusé de "meurtre par préméditation" et assister à la construction d'une prison ronde qui rend fou. On peut y suivre une méthode pour vivre plus de cent vingt ans en répétant tous les jours les mêmes occupations sans s'en ennuyer. On peut embarquer dans un vaisseau spatial à la découverte d'une planète-sœur de la Terre en compagnie de vingt candidats adeptes de la méthode Sisik et quelques robots programmés.

Voilà pour l'ossature de ce livre prenant car tout est dans les détails, dans la manière dont Laurent Graff nous entretient soudainement d'une recette de cuisine ou qu'il glisse une parenthèse à laquelle on ne s'attendait pas. Le suspense est plutôt dans le texte que dans l'action. Normal, le temps est ralenti mais le plaisir de lire augmenté. A l'opposé d'un "page-turner,  "La méthode Sisik" est à découvrir ligne par ligne, miroir légèrement déformé et souvent moqueur de notre présent. On se promène entre des personnages surprenants et on y apprend aussi, moi en tout cas, le sens du mot "puxisdiphtérophile".

Laurent Graff termine sur une chronologie intrigante qui trouve ses réponses dans les pages du roman. Ou pas. Bravo en tout cas à ce livre qui échappe aux catégories et rappelle ce dont la littérature est capable, surtout quand on s'offre le bonbon d'une lecture lente.

Extrait final de "La méthode Sisik"
Résumé
1955: commercialisation de la Citroën DS
1967: sortie en salles du film Le Samouraï, de Jean-Pierre Melville
21 juillet 1969: Neil Armstrong, premier homme à marcher sur la Lune
1987: mort de l’acteur Lino Ventura
31 mars 1995: départ à la retraite de Grégoire Sisik
1er janvier 2002: changement de monnaie, passage à l’euro
2004: apparition de la caisse automatique en supermarché
Avril 201: Agnès Dupont de Ligonnès et ses quatre enfants sont découverts morts à leur domicile. Le père de famille, Xavier Dupont de Ligonnès, est introuvable et devient le principal suspect.
2022: mort de l’acteur Alain Delon
2035: début de la guerre civile
2038: changement de monnaie, passage au franco
2041: Xavier Dupont de Ligonnès se livre à la justice
2055: Grégoire Sisik, doyen de l’humanité
2060: premiers capteurs de pensées
2070: inauguration de la prison Lucile
2075: changement de monnaie, passage au super-euro
2080: départ du vaisseau spatial Nous Voilà, à destination de la planète Céline
3 février 2084: mort de Grégoire Sisik à l’âge de cent quarante-neuf ans
9 avril 2084: naissance de Céline, premier humain extraterrestre
2149: atterrissage de la navette Contact sur la planète Céline

Pour lire un extrait de "La méthode Sisik", c'est ici.

Le mot "puxisdiphtérophile" signifie "passionné de boîtes à lettres".



En cadeau bonus, ce que j'avais écrit in illo tempore  à propos "Il ne vous reste qu'une photo à prendre" de Laurent Graff (Le Dilettante, 2007, J'ai lu 2010), "un Monopoly à taille réelle, intrigant et séduisant".



"Le narrateur de "Il ne vous reste qu'une photo à prendre", le nouveau et séduisant roman de Laurent Graff, est photographe. Mais il a remisé son Mamiya 35 mm vingt ans plus tôt, à la mort, à 30 ans, de sa compagne M.

Alain Neigel a passé les deux dernières décennies sans une seule image, entre femmes, argent à dépenser et voyages. Deux décennies sans joies ni peines ni surprises – il s'est, croit-il, blindé contre sa souffrance, même s'il s’y cogne sans arrêt.

On le retrouve à Rome avec Clara, son "habituelle". Elle lui a fait promettre de la prendre en photo. Il a cédé. Devant la fontaine de Trevi, un inconnu propose au couple de le photographier. En rendant le vieil appareil à Neigel et en lui tendant sa carte de visite, il déclare calmement : "Il ne vous reste qu’une photo à prendre." Défi  Menace?

Le roman devient alors vraiment intrigant. Ensorcelé par Giancarlo Romani, l'homme qui a fondu sur lui dans la foule et paraît le connaître, Neigel prolonge son séjour romain et se lance dans une quête éperdue, sans savoir ce qui est au bout. Avec d'autres élus mystérieux qui se révèlent peu à peu, il participe à un Monopoly à taille réelle, ponctué de cornets de glace.

Mission: prendre la dernière photo. Oui, mais laquelle? Autant la question peut être vite résolue en ce qui concerne les clichés passés, autant elle apparaît vertigineuse quand la photo est encore à prendre. Et les différents photographes réunis par Romani apporteront chacun leur réponse personnelle par rapport à ce choix décisif.

Laurent Graff signe ici un roman plein de fantaisie, qui aère formidablement la tête. Son imagination débordante porte sans peine le lecteur tout en le conduisant, par le biais du jeu sur la dernière photo à prendre, à une solide réflexion sur l’existence."

Pour lire le début du roman, c'est ici.



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