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mercredi 14 février 2018

De la place Flagey au fin fond de la Yakoutie

Harold Schuiten en situation.

"Il fait froid." "Il fait très froid." "Il fait trop froid." "FAIT FROOOOOOIIIIIID." On n'entend que cela et je suis la première à me plaindre.

Or, il fait aux alentours de 0°. L'occasion idéale d'aller voir ailleurs, là où on sait ce que geler veut dire. Aller voir ailleurs, mais en restant ici. En lisant un livre. Par exemple, le récit, excellent, que fait le Bruxellois Harold Schuiten de son année d'enseignement dans l'école Sakha-belge de Yacoutie. "Tu vais aimer notre froid" (Les Impressions nouvelles,  176 pages) nous convie à passer "Un hiver en Yacoutie". Là où on ne s'inquiète que quand le thermomètre descend à -60. Là où on trouve qu'il fait bon à -35°.

Autant le dire: un endroit où je n'irai jamais mais qu'il m'a bien plu de découvrir à travers cet original premier livre, mêlant journal de bord, récit de voyages, souvenirs d'expériences précédentes et considérations diverses sur ces régions perdues de la Russie. Il faut dire que l'auteur n'est pas n'importe qui. Harold Schuiten, nous informe son éditeur, est plongeur professionnel. Il a été enseignant, journaliste, exportateur de voitures d'occasion, testeur de jeux vidéo. Ici, on le découvre plutôt en Candide observateur d'un coin perdu de la Sibérie. Qui connaît le nom de Yacoutie? Qui sait que s'y trouve une école belge?

On suit avec curiosité et intérêt cette expédition d'un an pour enseigner le français dans la région la plus glaciale de la planète. Heureusement, l'habitué de la place Flagey à Bruxelles y trouve profusion de bière, ce qui n'est pas pour plaire à ses hôtes. Le livre suit la chronologie de l'expérience, entamée par curiosité plutôt qu'avec une âme de missionnaire. De l'idée d'y aller au retour, en passant par les tracasseries administratives ici, l'arrivée là-bas, les cours de français donnés dans divers villages, les rencontres plus ou moins réussies avec les locaux, avec en ombre constamment protectrice, Sarguilana, l'initiatrice du projet, sans oublier le voyage final en train à travers la Russie.

"Tu vas aimer notre froid" est un livre attachant par le respect qu'il porte aux personnes rencontrées, drôle quand le narrateur explique par le menu sa vie dans le (grand) froid, intéressant quand il confronte les certitudes et les doutes d'ici à celles et ceux de là-bas, instructif dans sa manière de rappeler des tas d'éléments de l'histoire récente. Les épisodes se succèdent à bon rythme, entrecoupés de scènes aventureuses de transport. Des anecdotes pimentent les récits du quotidien, réchauffant ces étendues glacées. Les rapports humains sont au cœur de l'expérience de l'auteur et on l'en remercie. On n'y passe pas du chaud au froid, mais du glacé au brûlant (les chaudières tournent à fond), du dedans au dehors, on se déplace dans un incroyable véhicule, on mange beaucoup de sushis, mais toujours gelés. On découvre un autre monde dans lequel le Bruxellois d'origine n'esquive pas son humilité. C'est profond et amusant en même temps. Un récit bien charpenté et mené tambour battant qui ne laisse pas indifférent.

Pour lire le début du livre, c'est ici.

A l'opposé du sujet,  le roman "Chaleur" de Joseph Incardona (lire ici).



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