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lundi 25 juillet 2016

DTPE 5: le lapin mis à toutes les sauces

De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.

Les Aventures d'Alice au pays des merveilles - Lewis Carroll - Folio classiqueSi l'ours et le loup sont des figures-phares de la littérature de jeunesse, le lapin en est également un élément-clé - comme la souris mais c'est une autre histoire. On pense tout de suite au Lapin blanc d'"Alice au pays des merveilles" que Lewis Carroll faisait toujours courir parce qu'il était en retard - on sait aussi l'image qu'en a donné récemment Gilles Bachelet dans "Madame le lapin blanc" (lire ici).

On pense évidemment aussi à "Pierre Lapin" ("Peter Rabbit") de la délicieuse Beatrix Potter (1866-1943), inventé en 1893 et publié en 1902 - la Royal Mint (Monnaie royale) britannique le met à 'honneur avec une pièce de 50 pence qui lui est dédiée, créée cette année par la graphiste Emma Noble pour les 150 ans de la naissance de sa créatrice.

Sans faire de recherches, plein de longues oreilles me reviennent encore en mémoire: les "Petit Lapin" de Marie Wabbes, "Max" de Rosemary Wells, les lapins d'Olga Lecaye et de son fils Grégoire Solotareff, le "Petit Lapin" de Harry Horse, "Miffy" de Dick Bruna, ceux de Richard Scarry, de Claude Boujon, "Lulu" d'Alex Sanders, sans oublier ceux de Malika Doray (lire ici), Audrey PoussierKomako Sakai (lire ici) et bien sûr le "Simon" de Stephanie Blake.

Sans oublier évidemment les albums "L'île aux lapins" de Jorg Steiner (illustré par Jorg Müller, Duculot, 1978) et "Devine combien je t'aime" de Sam McBratney (illustré par Anita Jeram, traduit par Claude Lager, L'école des loisirs/Pastel,1994).

A noter que ressortira le 15 septembre le célébrissime roman de Richard Adams, "Les garennes de Watership Down" ("Watership Down", traduction de Pierre Clinquart, Monsieur Toussaint Louverture, 544 pages), qui a régalé des millions de lecteurs depuis sa sortie en 1972 et sa première traduction française en 1976.




Une belle série de nouveautés
A tous ces titres s'en ajoutent d'autres, sortis en 2016.

Le plus étonnant, le plus flashy aussi, est le numéro 8 de la revue grand format Billebaude, intitulé "Le lapin" (travail collectif coordonné par Anne de Malleray, Glénat, 96 pages, diffusion en librairies et sur abonnement). En couverture, une tête de lapin noir à œil marron vous regarde depuis son fond rose vif. A savoir, Billebaude sort deux fois par an; la revue transdisciplinaire éditée par la Maison de la Chasse et de la Nature et Glénat interroge le rapport de l'homme à la nature et à l'animalité.

Fort bien mis en pages, illustré avec recherche de documents anciens, de citations et d'œuvres d'art contemporain, ce numéro aborde le lapin, et un peu le lièvre son cousin, sous toutes ses coutures. Il évoque plusieurs situations où hommes et lapins vivent au même endroit, avec leurs conséquences, positives ou négatives, domestication, élevage, gestion des écosystèmes. Le lapin qu'on moque souvent pour ses capacités de reproduction nous montre surtout la limite humaine à la maîtrise du vivant. De la peluche au gibier à cuisiner, de l'animal de laboratoire à celui de compagnie, le lapin a plus d'une histoire à nous raconter, la sienne d'abord, la nôtre ensuite, et plein d'anecdotes qu'il est passionnant de découvrir dans cet ouvrage passionnant bien fait, réalisé par des intellectuels, des philosophes et des artistes. Pour les ados et les adultes.


Combien de lapins Grégoire Solotareff a-t-il déjà mis en scène? On se rappelle bien sûr des anciens albums "Loulou", "Ne m'appelez plus jamais mon petit lapin", "Mon petit lapin est amoureux", "Toute seule", "Le lapin à roulettes" (l'école des loisirs) et de ceux dont il a écrit le texte et que sa mère, Olga Lecaye, a illustrés (dont "Mimi l'oreille", "Pas de souci, Jérémie", l'école des loisirs). Le voici de retour avec "Jeanne et Jean" (l'école des loisirs, 44 pages), un beau grand format aux couleurs franches.

Le style de l'auteur-illustrateur s'identifie tout de suite, et dans l'image, privilégiant le noir comme une couleur à part entière, et dans le ton. C'est l'histoire d'un frère et d'une sœur qui aiment jouer et qui aiment encore plus jouer à se faire peur. Un soir, la tombée du jour les surprend et ils sont obligés de passer la nuit dehors, dans le creux d'un rocher qu'ils connaissent. Quand ils se réveillent dans le noir, ils entendent des loups. C'est aussi le moment que choisit Jean pour raconter à Jeanne l'histoire du terrible sorcier Abraham!

Pas facile de se rendormir le ventre creux... Jeanne décide de rendre visite au potager du voisin. La voilà partie sous la lune, "sur la pointe des pieds". Elle récolte des carottes et se fait surprendre par... OUIIIIII. Vous avez deviné, Abraham. Jean lui vient en aide et rencontre aussi un incongru. Frère et sœur s'en sortiront toutefois brillamment et resteront persuadés qu'ils ont croisé le magicien cette nuit-là. Un album hautement graphique qui joue sur le plaisir d'avoir peur et de tourner la page pour se rassurer. Dès 4 ans.


Pourquoi les lapins ont-ils une toute petite queue? Réponse dans ce joli conte chinois, illustré de peintures sur papier de riz et à tenir reliure vers le haut de manière à avoir des pages presque carrées. "Les lapins et la tortue" de Guillaume Olive, illustré par  He Zhihong (Editions des Elephants, 32 pages) commence par une compétition entre deux mères à propos de leur progéniture. A noter qu'en ce temps-là, les lapins avaient des queues qui ressemblaient à celles des écureuils! Bien pratique pour servir d'éventail en été et de couverture en hiver.

Papa et Maman Lapin rusent avec Dame Tortue pour traverser facilement la rivière. Ils l'invitent à faire le compte de leurs enfants respectifs. Ils profitent surtout du pont flottant que leur offrent tous les bébés tortues alignés. Mais leurs moqueries leur coûteront cher: alors qu'ils font leurs derniers bonds sur les carapaces, les tortues mordent leurs longues queues et les leur arrachent. "C'est depuis ce jour que les lapins n'ont plus, en guise de queue, qu'une petite boule touffue, pour avoir voulu duper madame Tortue", conclut l'album dont les douces illustrations tempèrent l'efficacité du texte. Dès 3 ans.

Des mêmes auteurs, un autre album très réussi, "Le Plouf" (Editions des Eléphants, 32 pages), un petit conte de randonnée jouant sur la peur, la bêtise et la rumeur et qui illustre savoureusement l'adage "réfléchir avant d'agir".


Kazuo Iwamura n'est pas que l'auteur des excellentes histoires de la Famille Souris. Il s'intéresse aussi aux lapins, la preuve dans l'album "Fû, Hana et les pissenlits" (traduit du japonais par Corinne Atlan, l'école des loisirs, 40 pages), en format à l'italienne. Les deux jeunes lapins vont jouer dans le pré, munis des instructions de leur maman, se cacher et ne plus bouger si quelqu'un vient.

Ils adorent le pré et ses fleurs jaune d'or. Il faut toutefois voir leur tête quand une voix leur explique que ce sont des pissenlits (= tampopo). La coccinelle parlante sera vite rejointe par d'autres insectes qui vont expliquer à Fû (= le vent) et Hana (= la fleur) le cycle de la vie en se basant sur leurs prénoms. Une initiation teintée de poésie, illustrée de dessins aux crayons de couleur particulièrement expressifs. Dès 4 ans.


« Au bonheur des lapins » de Marie Nimier et Béatrice Rodriguez (Albin Michel).Parce que Marie Nimier vit en Normandie et voit régulièrement le persil de son potager ratiboisé par un lapin gourmand, elle a fait de cette histoire un album, "Au bonheur des lapins", illustré par Béatrice Rodriguez (Albin Michel Jeunesse, 64 pages). La particularité de ce livre est qu'il se lit par les deux côtés. D'un côté, on a l'histoire de Lapin Toucour, de l'autre celle de Pablo, un peintre qui n'entend pas se laisser voler son persil.

Tous les moyens lui seront bons même les plus grands, les plus démesurés. Les deux récits donnent les visions différentes des protagonistes. Au centre, le lecteur appréciera les quiproquos, les mauvaises compréhensions, les allers et les retours, jusqu'à la pirouette finale qui réconciliera les anciens ennemis. C'est parfois un peu compliqué mais riche et attachant. Dès 6 ans.


Voilà un album très graphique aussi plaisant qu'original, imaginatif et poétique de surcroît. "Lapin cherche Lapin", de Maranke Rinck, illustré par Martijn van der Linden ("Memorykonijn", traduit du néerlandais par Camille Fort, De La Martinière Jeunesse, 58 pages). Il se base sur le principe du Memory: il faut chercher son double dans des cartes dont on ne voit que le dos.

Les erreurs de cartes deviennent le fil d'une histoire drôle et poétique. Quand Lapin cherche l'autre lapin, il découvre un avion rouge. Parti à son bord, il interroge les oiseaux, "Où est l'autre lapin?", mais il rencontre un autre groupe d'oiseaux qui tous vont ailleurs. Lapin atterrit en urgence sur une île où il découvre un autre avion rouge en panne. Là il fait la connaissance d'un roi qui voit arriver non l'autre lapin mais l'autre roi. L'histoire se poursuit de loufoqueries en étrangetés avec toujours le  fil rouge du Memory, jusqu'à ce que chaque paire soit reconstituée. En fin d'ouvrage, un vrai jeu de Memory. C'est aussi charmant que déconcertant, innovant dans le bon sens du terme en tout cas. Dès 4 ans.



Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).









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