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lundi 4 novembre 2013

LF ière d'avoir lu le prix Renaudot 2013

Pfff! Pensez: un livre que mon ami et confrère Pierre Maury, lecteur surboulimique, n'a pas lu! J'en ai la tête qui enfle, un peu comme Yasmina Khadra qui voudrait maintenant être président de l'Algérie... Non, je rigole, je charrie juste un peu ce cher Pierre de Malgachie pour une fois que j'en ai l'occasion. Ce doit être la première en trente ans.

Ma lecture du prix Renaudot tient  du hasard et de la nécessité. Quand on est invitée à animer un débat avec des écrivains, la moindre des choses est de lire leurs livres. Enfin, c'est ce que je pense dans ma naïveté de Belge. Il paraît que je pourrais également être Suisse de ce point de vue-là.

Donc, j'ai animé un débat, intitulé "Ceci n'est pas une autobiographie", à la récente Fête du livre de Saint-Etienne, auquel était entre autres annoncé Yann Moix. Et j'ai donc lu "Naissance" (Grasset), qui allait recevoir le prix Renaudot ce 4 novembre 2013. Je tournais autour du livre depuis un bon moment, mais bon, un tel pavé, ça prend plein de temps et puis c'est lourd à tenir entre les mains ou à poser sur les genoux. Curiosité ou confort? L'amour de la littérature tient parfois à peu de choses.

Là, il n'y avait plus à s'abriter derrière de fausses excuses. Il fallait y passer, s'exécuter. Des termes un peu morbides qui sont en totale contradiction avec le titre du dernier-né de Moix. Si le sujet général de son septième roman est celui de l'enfance maltraitée, des parents plus qu'odieux avec leur rejeton, l'humour est plus que présent dans les pages et offre au lecteur parfois ahuri sa sécurisante distance. "Naître, c'est se faire des ennemis. Très vite, je m'en fis deux pour la vie: le premier était une femme intitulée "maman", le second, un homme appelé "papa"."

Le carton de naissance de "Naissance" annonce: 1300 grammes et 1143 pages, en assez grand format. L'éditeur précise que l'auteur est écrivain et né en 1968 - c'était à Nevers, le 31 mars, il a donc failli être un poisson d'avril.

Le reste, Yann Moix va nous le raconter par le menu au cours de cette curiosité littéraire en dix parties, elles-mêmes découpées en vingt ou trente chapitres, quoi qu'il y en ait quarante dans la partie I, soixante dans la VI, et cinquante et un dans la VII. Une structure qui abrite bien des surprises qui, elles-mêmes, permettent de ne jamais s'ennuyer.

On découvre la naissance et l'enfance d'un futur écrivain qui vit avec sa famille à Orléans. "J'allais naître", commence le texte écrit à la première personne par un narrateur qui s'appelle Yann Moix. "Il surnaît", commente aussitôt le père qui dira quelques lignes plus loin "Il surécrit" quand le fils publie son premier roman. Grossesse, naissance, enfance, le temps est ici une notion élastique avec laquelle l'auteur joue allégrement et on ne peut que s'en amuser. Autant prendre le solide volume par ce biais-là pour en apprécier les prouesses. D'autant plus que le bébé naît circoncis et que cela va pas mal lui compliquer la vie. Est-il juif pour cela? Ou pas?

Yann Moix est le roi des listes (de plusieurs pages souvent), des digressions, des interpellations au lecteur, des pastiches également, des inventions les plus dingues, comme un salon de l'enfance maltraitée, ou une armoire qui permet de battre son enfant sans que les voisins l'entendent. Coûteuse, l'armoire, mais bon, quand on la veut. Il est aussi capable d'écrire en alexandrins mais déteste les notes en bas de page. C'est d'ailleurs pour toutes ces raisons que les uns l'adorent et les autres le détestent.

Evidemment, on peut dire que Yann Moix est un mégalo surdimensionné. C'est idiot car derrière le fatras de mots se cache un sens du burlesque et de l'humour noir savamment cultivé. Il faut se rappeler qu'on est en 2013 et qu'il est autorisé à un auteur de créer une littérature 2013. Quelle inventivité! On a l'impression qu'on lui lance un mot et que, oups, ça part. "Non", nous a-t-il dit à Saint-Etienne, "cela ne se passe pas comme cela, je travaille énormément mes textes". Trois ans et demi lui ont été nécessaires pour accoucher de "Naissance", et non trois mois comme l'indiquait un quotidien.

En tout cas, voilà un livre extrêmement plaisant à découvrir, avec notamment tous ses personnages secondaires. On peut le lire de bout en bout, en savourant l'imagination fingue de l'auteur mais cela prendra un certain temps. On peut aussi se rappeler qu'un des droits fondamentaux du lecteur autorise à sauter des pages car cela ne nuit en rien à la lecture de "Naissance".

1 commentaire:

  1. "Il semble que, de tous les jurés du Renaudot, Jérôme Garcin soit le seul à l’avoir lu en entier", écrit Pierre Assouline...
    Tu reçois donc les félicitations du reste du jury, en plus des miennes.

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