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mercredi 6 novembre 2013

LM se perdre dans le sourire de François Place

François Place,  j'ai déjà parlé de lui ici et ici. Ses albums invitent très souvent au voyage, toujours à la réflexion, parfois à la spiritualité. Les trois thèmes sont réunis dans l'ouvrage qui vient de sortir, superbe avec son format tout en hauteur, "Le sourire de la montagne" (Gallimard Jeunesse, 48 p.). Un titre presqu'aussi mystérieux que l'identité de la smiling Joconde. Quelle est donc cette montagne qui sourit? Ne s'agirait-il pas d'une fable? Si, d'une fable qui incite à avoir confiance en l'avenir.

François Place.
L'histoire est un voyage qui se déroule dans un pays lointain, un voyage  dans la montagne et en soi. L'album s'ouvre sur une sobre aquarelle sur double page, esquisse de la montagne omniprésente, "longue ligne blanche qui barre le ciel". Derrière elle, loin, le pays de la Soie. On ne l'atteint qu'après des mois d'un voyage dangereux à cause des éventuels brigands, réjouissant par les lieux enchanteurs traversés. Dangereux aussi à cause de la colère imprévisible et meurtrière des dieux de la montagne.

Nombreux sont les hommes et les rois à avoir perdu la vie au cours de cette expédition. Justement, le Roi de l'histoire a de la chance. Il a traversé la montagne pour la première fois à quinze ans mais décide, son demi-siècle dépassé, de ne plus y retourner. Il y a laissé tant des siens. La seule à lui rester est sa petite-fille, aimante et jolie avec ses longs cheveux noirs.

(c) François Place/Gallimard Jeunesse.

De la montagne, le Roi a ramené la statuette en terre d'un dieu absolument paisible. Il a l'idée d'en faire sculpter une image géante dans la falaise qui se dresse au-dessus de la rivière. "On devra voir la statue depuis cet endroit. Elle grandira au dur et à mesure qu'on avancera vers elle, tout comme la confiance qu'on emporte avec soi, pas après pas."

Tout le peuple se met à l'ouvrage. Des échafaudages sont dressés et grimpent à l'assaut des parois. Du matin au soir, on n'entend que le bruit des maillets. Les travaux durent plusieurs saisons, seulement interrompus par la neige et l'hiver. La fillette grandit et la silhouette divine se précise dans la roche, faite d'après le modèle que le Roi possède. Quand ce dernier se brise accidentellement, le Roi ne renonce pas à son projet. Il incite les sculpteurs à poursuivre leur travail.

(c) François Place/Gallimard Jeunesse.

Trois ans ont encore passé et la statue dans la roche est terminée. Mais le dieu ne sourit pas. C'est le vieux Roi, devenu aveugle, qui guidera les outils du maître des sculpteurs. Une nouvelle année de travail est nécessaire pour achever le travail. Mais le dieu est là. "Son sourire éclaire jusqu'au fond de la vallée." Il resplendit dans la lumière du levant et du couchant, présage bienveillant qui s'offre aux voyageurs.

(c) François Place/Gallimard Jeunesse.

Le sourire de la montagne durera-t-il dix mille ans comme l'espèrent ses créateurs? On sait ce qu'il est advenu récemment à des représentations religieuses jugées impies. Le talent de François Place est de replacer la finale de ce magnifique et sensible album dans la dimension humaine, de faire dire au grand-père que le sourire de sa petite-fille lui est tout aussi précieux que celui qui a été sculpté au prix de tant d'efforts.

"Le sourire de la montagne" est une fable qui incite à l'espérance. Bien sûr, l'album n'est pas né de rien. "En mars 2001", explique l'auteur-illustrateur, "les grands bouddhas de Bamiyan, en Afghanistan, ont été détruits à l'explosif. Ils étaient vieux de plus d'un millier d'années, peut-être même pour l'un d'eux de plus de mille cinq cents ans. Je ne les ai jamais vus sur le site mais je les ai très souvent rencontrés dans des livres de voyageurs. Leur disparition m'a ému.

J'ai voulu raconter une histoire autour de cet événement. Mais j'ai progressivement glissé de la documentation à la fiction. Je ne voulais parler ni des bouddhas, ni du Gandara, ni costumer les personnages d'après les croquis pris au musée Guimet. J'ai préféré écrire une fable."


Ce nouvel album "a l'air tout simple", précise encore son auteur qui confesse en avoir "bavé pour les dessins, recommencés des dizaines de fois". Cher François perfectionniste, merci.



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